Observations du contexte

J’ai effectué mon stage à l’école La Fourmilière, qui est située en milieu défavorisé. La moitié des élèves de ma classe étaient issus de l’immigration, une élève bénéficiait de francisation intensive et plusieurs provenaient d'un milieu familial instable ou peu stimulant. En ce sens, la majorité de mes élèves n’avaient pas l’occasion de développer leur intérêt pour la lecture à la maison. J'ai donc considéré qu’ils devraient développer cette envie de lire à l’école, puisque les livres ouvrent nos horizons sur le monde, et parce que de bonnes aptitudes en lecture sont à la base de la réussite scolaire.  Pour y parvenir, j'ai décidé de créer une petite communauté littéraire au sein de ma classe. L’objectif de mon projet était de permettre aux enfants, aux enseignantes (titulaire et stagiaire) et aux parents de partager des trouvailles littéraires et de discuter autour des livres. Ce faisant, je souhaitais que tous les membres de la communauté littéraire sentent qu’ils contribuent au développement des connaissances dans la classe.

On voudra aussi certainement noter que l'horaire de ma classe était très rigide et déjà surchargé, puisque mon enseignante associée et moi devions suivre, à la lettre, une planification hebdomadaire conçue par des conseillères pédagogiques. En ce sens, j'ai dû concevoir un projet qui n'accaparerait que quelques minutes par semaine. Pour le rendre intéressant et pour qu'il porte ses fruits, j'ai dû le mettre en place pendant presque tout mon stage. Effectivement, je n'aurais pas pu dédier deux semaines, par exemple, à un projet particulier, puisque j'aurais pris du retard dans la planification des conseillères pédagogiques. Ainsi, ma formule me permettait de piloter un beau projet, sans nuire à la planification imposée.

Description du projet

Mon projet de communauté littéraire était constitué de quatre activités distinctes. La première partie s’appelait « Les promotions littéraires ». D’abord, chaque enfant a dû présenter à la classe un livre qu’il avait déjà lu (dans la classe, à la maison ou à la bibliothèque), afin d’en faire la promotion. Après chaque promotion littéraire, le livre choisi par l'enfant concerné était mis à la disposition des autres élèves pendant une semaine (les livres de la semaine étaient posés sur une tablette spéciale, au fond de la classe). Les élèves qui en avaient envie pouvaient donc lire les livres présentés à leur place, lors des retours au calme. Ainsi, chaque semaine, deux ou trois enfants devaient effectuer une présentation de deux minutes, environ. Chaque fois, j'accompagnais les élèves avant et pendant les présentations, afin de les aider à mieux « vendre » leur livre favoris.

Puis, les parents ont été invités à participer aux promotions littéraires. Deux d'entre eux ont accepté de venir en classe pour lire un livre jeunesse aux enfants. Ensuite, ils ont laissé leur livre à la classe durant une semaine. 

Enfin, j'ai fait la promotion de quelques oeuvres pendant mon stage, et je les ai déposées à mon tour sur la tablette au fond de la classe. Durant la dernière semaine de mon stage, j'ai effectué ma dernière promotion littéraire: j'ai présenté aux enfants un recueil des contes des frères Grimm, ainsi qu'un recueil de ceux écrits par Hans Christian Anderson. Ces deux livres en cuir sont décorés d'une matière argentée et dorée, de sorte qu'ils ont beaucoup impressionné les enfants. Ils étaient aussi spéciaux à leurs yeux, puisque plusieurs contes des frères Grimm et de Anderson ont été visionnés en classe, dans le cadre de l'activité 4 qui sera décrite plus bas. En somme, tous les membres de la communauté d’apprentissage (parents, enseignants, enfants) ont eu l’occasion de partager leurs expériences de lecture.

La seconde activité de mon projet tournait autour des fiches de lecture. Chaque fois que les élèves lisaient un livre issu des promotions littéraires, ils avaient le choix de remplir ou non une fiche de lecture pour en faire une appréciation littéraire. Grâce à ces fiches, j'ai pu faire des recommandations littéraires aux enfants, selon leurs goûts respectifs. J'utilisais d'aileurs cet argument pour donner aux enfants l'envie de remplir des fiches de lecture.

La troisième activité de mon projet visait à montrer aux élèves comment choisir un livre. J'ai animé une leçon intitulée « Trouver un livre à ma pointure », inspirée de ce qui a été fait chez Mieuxenseigner. Suite à cette leçon, j'ai conçu une affiche afin d'aider les élèves à se souvenir de la marche à suivre pour sélectionner un livre, et je l'ai amenée avec nous à chaque fois que nous allions à la bibliothèque.

La dernière activité de mon projet touchait aux récompenses que j'offrais aux enfants pour leurs bons comportements. Environ une fois par semaine, lorsque les élèves avaient adopté de bons comportements, je leur présentait une vidéo racontant un conte classique, souvent écrit par les frères Grimm ou par Hans Christian Anderson (Voir le compte « Les p'tits zamis », sur Youtube). Puis, je questionnais les enfants afin de les aider à interpréter les oeuvres et à exprimer leurs préférences littéraires. Surtout, je tentais d'établir des liens entre ces oeuvres sous forme de vidéo et les livres de la classe, afin d'insciter les enfants à aller découvrir ces derniers. Par exemple, nous avons visionné « Le petit bonhomme en pain d'épice ». J'ai ensuite présenté aux enfants le livre que nous avions dans la classe et qui était inspiré de la même histoire. Je les ai invités à aller le lire afin de découvrir s'il y avait des différences entre la version racontée sur Youtube et celle du livre. Finalement, ce petit livre n'a jamais été aussi populaire! Notons au passage que j'ai toujours donné aux élèves des informations supplémentaires portant sur les oeuvres visionnées, comme des repères historiques et des faits amusants à propos des auteurs ou de la version originale des histoires.

Biensûr, en plus de toutes ces activités, j'ai aussi lu un album devant mon groupe à tous les jours. Notons que chaque fois, je posais des questions aux enfants afin de susciter leur appréciation des oeuvres et afin de développer leur compréhension et leur aptitude à interpréter des histoires. J'ai aussi amené des histoires à l'école en fonction de la saison ou des fêtes à venir (histoires de peur avant l'Halloween, par exemple).

Modalités d’évaluation

J’ai utilisé une liste d’élèves pour évaluer la qualité de leurs promotions littéraires et pour observer la fréquence à laquelle ils remplissaient des fiches de lecture (et la qualité de celles-ci). Grâce à ces traces, j'ai pu observer quels enfants étaient plus ou moins intéressés par les activités littéraires. J'ai aussi conçu des grilles d'évaluation où j'ai observé à quelle fréquence certains élèves participaient aux discussions lors des lectures interactives, à quelle fréquence ils choisissaient de lire lors des retours au calme, et à qu'elle fréquence ils venaient me voir personnellement pour discuter d'une trouvaille littéraire. Ces traces m'ont aidée à évaluer s'ils développaient ou non leur goût pour la lecture.

Concepts venant de la formation mis à contributions

Mon projet PIC était largement inspiré des enseignements de Madame Brigitte Carrier, qui rappelle souvent l’importance de travailler la lecture et l’appréciation littéraire au primaire. Pendant ma formation, elle a encouragé les étudiants de ma cohorte à effectuer des promotions littéraires en classe pour donner le goût de la lecture aux petits. De plus, mes fiches de lecture étaient inspirées des écrits d’Yves Nadon, consultés dans le cadre des cours sur l’apprentissage du français oral et écrit au BÉPEP.

Résultats

En somme, la majorité des élèves évalués semblent avoir développé leur goût pour la lecture durant mon stage, puisque plusieurs d'entre eux remettaient plus régulièrement leurs fiches de lecture en fin d'année qu'au mois d'août, sans compter que les enfants allaient plus spontanément vers les livres lorsqu'ils avaient le choix entre plusieurs activités pour se reposer. Surtout, j'ai remarqué que les élèves lisaient davantage lorsque je faisais la promotion de livres, lorsque je partageais un fait intéressant à propos d'une oeuvre ou lorsque j'apportais de nouvelles histoires en classe en vue d'un événement spécial. Je peux en conclure que l'enthousiasme que j'ai eu par rapport aux livres a influencé l'enthousiasme des élèves face à la lecture, et que plus je faisais la promotion des oeuvres, plus les élèves lisaient.