Particularités de la classe et contexte du stage:
Mon stage s’est déroulé à l’école primaire d'un très petit village situé au coeur de la nature. J’ai débuté l’année scolaire dans une classe multi-niveaux composée de 20 élèves : 14 en première année et 6 en deuxième. Le projet éducatif de l’école pour cette année était d’enrichir vocabulaire des élèves, celui-ci étant particulièrement pauvre.
Dès le départ, ce qui m’a le plus préoccupée était le fait d’avoir à travailler dans une classe très hétérogène avec des élèves ayant de grands écarts d’habiletés dans toutes les matières scolaires. Certains élèves étaient très doués et d’autres en grande difficulté. Dès les premiers jours d’école, j’ai dû apprendre à gérer beaucoup de comportements problématiques, à modéliser, à différencier et à planifier en fonction d’une dynamique de classe particulièrement dynamique…
Mes élèves avaient passé tout leur été à jouer dehors, ceux de première année avaient besoin de jouer et de bouger, ils devaient apprendre, tout doucement à devenir des élèves. Les questions qui ont alors guidé mes choix pédagogiques furent : comment effectuer une transition harmonieuse entre le préscolaire et le primaire? Comment accrocher tous mes élèves, malgré leurs disparités? Comment solliciter l’implication de chacun? Comment développer leur esprit de groupe? Comment les amener à coopérer en mettant à profit les forces de chacun? Comment respecter leurs besoins tout en les faisant apprendre?
Lorsque j’optais pour un mode fonctionnement plus traditionnel en classe, le temps pour du support individuel me manquait et je sentais parfois monter la frustration des élèves. À ces moments-là, la classe se désorganisait et il me fallait déployer beaucoup d’énergie pour ramener les élèves à l’ordre et les recentrer sur leurs apprentissages. La pédagogie de projet s’est alors tout naturellement imposée comme solution pour arriver à combler à la fois les besoins des élèves et les miens.
Les étapes de notre projet :
C’est ainsi que par un bel après-midi de septembre, alors que l’horaire de classe prévoyait un cours de sciences, nous sommes allés à l’extérieur pour capturer des insectes dans la cour d’école. Au départ, mon intention n’était pas clairement définie, tout allait dépendre de l’intérêt des enfants et de la quantité de petites bestioles qu’ils arriveraient à capturer. Je souhaitais réellement suivre les idées des élèves, leur en proposer quelques-unes, mais surtout les guider. Je voulais me servir du thème des insectes en sciences, mais notre projet s’est très vite étendu aux autres matières scolaires. Le tout s’est déroulé sur environ trois semaines au cours desquelles les élèves ont bougé, ont réfléchi, ont partagé leurs idées, ont créé, se sont amusés et ont appris.
- Le chant mélodieux des grillons
La capture de «petites bibittes» s’est avérée très fructueuse, tous les élèves se plaisaient à dénicher les spécimens les plus surprenants. C’est ainsi que nous avons dû installer un petit terrarium pour conserver toute cette ménagerie en classe. La variété des bestioles capturées fut très impressionnante : sauterelles, criquets, coccinelles, papillons, mille-pattes, araignées, fourmis, chenilles, limaces, vers de terre, petits coléoptères, grenouille…
Le chant des grillons arrivait même à faire taire quelques instants les élèves les plus bruyants. Ils apprenaient à apprécier le silence et le calme en classe, chose qui apparaissait très difficile les premiers jours d’école. Durant les jours qui suivirent, notre terrarium s’est agrandi, car les élèves ramenaient constamment de nouveaux spécimens en classe, à un certain moment, il a même fallu que je leur demande d’arrêter d’en apporter.
- Un docu… quoi?
Alors que l’intérêt des élèves était fortement marqué, j’ai considéré qu’il s’agissait d’un bon moment pour rendre leurs connaissances un peu plus scientifiques. Oui, ils savaient le nom des bestioles, mais était-ce tous des insectes? C’est ainsi qu’ils ont découvert un genre littéraire auquel ils sont un peu moins habitués : le documentaire. Nous avons vu comment le consulter, de quoi est composé son contenu, quelles sont les différences entre le livre communiquant des informations scientifiques, les documentaires adaptés pour les plus jeunes et le récit d’un album.
Comme je suis une passionnée de littérature jeunesse, la classe s’est très vite remplie de livres de toutes sortes traitant du sujet des arthropodes et d’autres petites bêtes. Nous avons vu quelles informations étaient pertinentes et quels types de documentaires convenaient à «notre pointure» pour l’utilisation lors des cinq au quotidien.
En effectuant des recherches sur internet et en consultant des ouvrages sur le sujet, nous avons appris à distinguer les particularités des insectes par rapport aux autres bibittes. Nous sommes arrivés à définir ensemble quelles bestioles parmi celles capturées appartenaient à la famille des insectes. Les principales caractéristiques d’un insecte ont alors été explorées : les parties de son corps, nombre de pattes, modes de vie...
- Problèmes de pattes, littérature jeunesse et découvertes quotidiennes
Afin de favoriser la rétention des informations, j’invitais les élèves à résoudre, tout au long de notre projet, des problèmes de mathématiques leur demandant de réinvestir ce qu’ils avaient appris au sujet des insectes et des arachnides. Par exemple : «Si j’ai une araignée et deux fourmis sur la main, combien de pattes cela fait-il?»
Afin d’aider certains enfants, des petites bestioles en plastique étaient disponibles en classe. Ce dénombrement par la manipulation fut bénéfique à plusieurs, car mes petits élèves ne savaient pas tous très bien s’organiser dans l’espace et leur concept de nombre était encore en construction.
J’ai aussi réussi à trouver de très beaux livres de littérature jeunesse dont les personnages sont des insectes. Ainsi, des thèmes tels que l’acceptation des différences, la solidarité, l’importance de vivre le moment présent et de planifier l’avenir et la coopération ont pu être abordés. Au cours du mois de septembre, les histoires lues en classe étaient donc toutes à saveur d’arthropodes, un peu comme on vit les thématiques au préscolaire. Les élèves étaient invités à consulter autant les documentaires que les autres livres disponibles en classe au cours des périodes de lecture silencieuse quotidiennes.
Ce fut un réel plaisir de voir les élèves de deuxième année animer de petites capsules d’informations au sujet des insectes dès qu’ils découvraient de nouvelles choses au cours de leurs lectures.
- Les insectes recyclés
La plus tangible des réalisations de mes élèves fut cependant la conception d’une sculpture fabriquée à l’aide de matériaux normalement destinés à se retrouver dans le bac à recyclage. Comme très peu de mes élèves aimaient dessiner et que j’avais à évaluer les arts plastiques pour le bulletin de novembre, j’ai choisi de les faire travailler en trois dimensions, par assemblage.
Afin de stimuler leur créativité, je voulais les laisser le plus libres possible dans leur démarche et dans le choix de leurs matériaux. La seule contrainte imposée était que leur sculpture soit un insecte, donc qu’elle soit composée de trois parties distinctes : tête, thorax, abdomen, qu’elle ait obligatoirement 6 pattes et de préférence des antennes. Je voulais aussi leur faire réaliser un projet qui soit très peu coûteux et qui aurait un message à portée environnementaliste, donc une œuvre médiatique.
Les élèves et leurs parents ont activement participé à fournir le matériel de base pour ce projet. C’est ainsi que des pots de plastique vides, des bouteilles, des bouchons, des boites de conserve, des pailles, des billes et de vieux boutons ont envahi la classe. Les techniques employées furent l’assemblage (colle chaude), le pliage, le collage et la peinture. Le tout a finalement coûté un gros 2$ en colle chaude pour toute la classe.
- Lortografraprocé
Afin d’intégrer un peu de Français dans tout ça, j’ai invité les élèves à nommer et à décrire l’insecte que représentait leur œuvre. Nous étions alors encore en septembre et pour les élèves de première année il s’agissait d’une de leurs premières expériences d’écriture par orthographe rapprochée. Pour ceux de deuxième année, il s’agissait d’un retour de vacances où plusieurs n’avaient pas écrit souvent…
Cette expérience ne fut donc pas de tout repos, certains élèves se disaient incapables de produire quoique ce soit, car «ils n’avaient pas encore appris à écrire tous les mots!» Le statut de l’erreur et le goût du risque furent donc des éléments importants à travailler avec eux. Les élèves de deuxième année m’ont alors donné un bon coup de main en aidant ceux de première année qui en avaient besoin.
Leurs productions ont pourtant été riches de renseignements et à la mesure des capacités de chacun, ce fut également un bel exercice de différenciation pédagogique pour moi.
Suite à leur composition, mes élèves ont invité leurs petits amis de maternelle dans notre classe afin de leur présenter, à tour de rôle, leurs réalisations.
- L’exposition
Une fois leurs sculptures et leurs exposés terminés, les élèves étaient si fiers d’eux qu’ils ne voulaient pas qu’on en reste là. J’ai alors doucement amené l’idée de monter une exposition de leurs oeuvres. La motivation du groupe s’est avérée surprenante. J’ai alors consigné les idées des élèves, leur exposant en même temps les contraintes que cela pourrait engendrer, mais en restant ouverte à leurs propositions. Je leur ai fait comprendre que pour réaliser un tel projet, il fallait travailler fort et s’organiser. Ils étaient tous prêts à embarquer. Ils étaient emballés.
Il fallait d’abord trouver un endroit et un moment pour monter notre exposition. Une des fillettes de la classe a alors dit que sa grand-mère était bénévole à la bibliothèque municipale (qui venait tout juste d’ouvrir ses portes) et qu’ils auraient peut-être de la place pour nous. J’ai alors pris contact avec la dame qui était enchantée du projet, elle nous ferait de la place pour les sculptures. Il s’agissait d’un bon moyen d’attirer des gens à la nouvelle bibliothèque par la même occasion, donc d’intégrer notre projet à la vie communautaire du village.
Pour attirer des gens et inviter les parents, j’ai demandé aux élèves de concevoir des affiches à installer à quelques endroits stratégiques dans le village. Nous avons donc composé ensemble un court texte au TNI pour annoncer la tenue de cet évènement. Je suis allée installer les affiches après l’école aidée de quelques élèves.
L’évènement fut un succès, tout le monde a beaucoup apprécié l’originalité et la simplicité du projet. Les élèves en ont retiré une grande fierté.
Nature des traces recueillies
Les traces que j'ai pu conservées de ce projet sont essentiellement des photos prises aux différentes étapes de déroulement du projet. J'ai aussi pris en notes plusieurs commentaires des élèves suite à la réalisation de celui-ci.
Ce que ce projet nous a apporté
Pour moi, le fait de vivre ce projet en stage m’a permis de relever tout un défi de différenciation. Cela a également rendu ma gestion de classe beaucoup plus facile. Comme mes élèves ayant des comportements plus difficiles démontraient de l’intérêt, ils avaient beaucoup moins tendance à déranger les autres, leur motivation était palpable. J’attribue une partie du succès de cette expérience au fait que tout le projet prenait racines dans la culture des élèves. Ce fut une des premières fois où j’expérimentais la pédagogie par projet et, avec le succès remporté, ce ne sera certainement pas la dernière.
Grâce à leur engagement, mes élèves de première année ont su développer de bonnes habitudes en classe et devenir, pour la plupart, de véritables élèves. Ce projet a également contribué au développement d’un esprit de groupe basé sur l’entraide. Nous avons également trouvé un nom pour notre classe: «La classe des p'tites Bibittes». De plus, nous avons su respecter le projet éducatif de l’école, car cela a permis aux élèves d’enrichir leur vocabulaire et d’accéder à des savoirs scientifiques à leur portée. Durant les périodes d’écriture, les élèves ont développé leur goût du risque et leur persévérance. Finalement, l’implication des parents et de la communauté est aussi un des aspects qui furent touchés tout au long de la durée de notre projet.
Liens avec le Programme de formation de l’école québécoise
DGF : Environnement et consommation :
Ce projet réunissait très bien les deux pôles de ce domaine général de formation. En effet, les élèves étaient, dans un premier temps, invités à explorer leur environnement immédiat par l’exploration et la capture d’insectes. Ces enfants adorent jouer dehors et son très intéressés par les éléments naturels, ils ont donc eu à jeter un regard un peu différent en approfondissant les connaissances qu’ils avaient déjà du monde des petites bêtes. Dans un deuxième temps, ils étaient invités à créer une œuvre à l’aide de matériaux directement issus de la consommation des humains. Ils auront probablement un regard différent sur le potentiel des objets dont nous nous débarrassons sans trop réfléchir.
Principales compétences transversales touchées :
Exploiter l’information
Résoudre des problèmes
Mettre en œuvre sa pensée créatrice
Fichier attaché | Taille |
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projet_dintervention_en_contexte_pp.pptx | 6.73 Mo |
quelques_livres_consultes_lors_de_notre_projet_0.docx | 208.18 Ko |