La deuxième année du primaire offre aux enfants l’occasion de s’épanouir davantage grâce aux apprentissages faits durant les années antérieures. En effet, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture leur permet de s’émanciper de manière considérable lorsqu’ils entrent activement dans le monde de la littérature. Ils deviennent de plus en plus indépendants quant aux choix de leurs livres, ils découvrent leurs intérêts et ils apprennent également à développer leurs habiletés d’apprentis lecteurs.
Constats
À la suite de ces constats, je me suis demandé comment je pouvais intégrer la littérature dans ma classe tout en répondant aux besoins de mes élèves. Au fil de quelques productions écrites, je me suis rendu compte que mes élèves étaient souvent contraints dans leurs imaginations lorsque le sujet de la rédaction était imposé. Plusieurs d’entre eux avaient une imagination débordante, mais forcés d’écrire sur un sujet, ces derniers souffraient souvent du syndrome de la page blanche ou même ne sortaient pas du tout des balises exigées par la production écrite.C’est dans cette optique que j’ai décidé de me lancer dans un projet qui touchait la littérature dans son intégralité ainsi que les technologies. J’avais envie de mettre sur pied un projet qui mettait les enfants en action, un projet qui ne contraignait aucunement leur imagination et qui leur permettait d’accroître des connaissances de bases en informatique. J’avais ce désir de voir ce que mes élèves de deuxième année étaient capables de me donner comme résultat dans un projet où les balises ne touchaient pas l’essence même des productions.
Déroulement
J’ai ainsi proposé à mes élèves de rédiger plusieurs histoires qui n’imposaient aucun sujet et qui seraient ensuite écrites à l’ordinateur pour en faire un livre numérique. En équipe de quatre ou cinq élèves (prédéterminées par moi), ceux-ci devaient construire une histoire de a à z avec les outils que j’avais mis à leur disposition. Chaque équipe avait une grande pochette dans laquelle se trouvait un cahier de rédaction, des feuilles brouillons, des feuilles blanches ainsi qu’un porte-clés sur lequel se trouvaient des petites fiches (qui quoi, où, comment, que fais, pourquoi). C’était le seul élément sur lequel les élèves devaient se guider pour construire leur histoire et c’était l’une des seules exigences que j’avais, soit de retrouver dans leur histoire chaque carte. Bien évidemment, les élèves connaissaient l’existence de ces cartes puisqu’au préalable j’avais lu plusieurs histoires impliquant les fiches. Ils devaient eux-mêmes trouver le qui, quoi, où, comment, que fait, pourquoi tout au long des histoires lues. Ces fiches ont également été mises en essai lors des ateliers des 5 au quotidien dans ma classe (lecture à l’autre avec porte-clés.)
Après quelques semaines de pratique, j’ai amorcé le travail. Dans le but de m’assurer d’un travail de coopération et de communication entre les élèves, nous avons élaboré ensemble trois valeurs qui nous semblaient idéales lors de travaux d’équipes. Les élèves ont alors voté pour l’écoute, le respect et l’ouverture. J’ai fait un rappel du projet et de son contenu et j’ai indiqué aux élèves que les premières périodes de projet débutaient, pour tous, par un remue-méninge. Les élèves avaient le droit de prendre tous les livres qu’ils désiraient pour s’inspirer. J’avais craint que le remue-méninge soit difficile puisque tous les membres d’une même équipe devaient se mettre en accord pour choisir les personnages et l’histoire. Cependant, à mon grand étonnement, les élèves très enthousiastes par le projet désiraient commencer leur histoire le plus vite et ils ont donc très bien coopérer.
Après deux ou trois périodes de remue-méninge, les élèves étaient prêts à débuter les histoires. J’ai fait une mini leçon sur les éléments qui nous permettaient de débuter une histoire. J’ai donné en exemple l’histoire que j’avais moi-même inventée. J’ai également fait un parallèle avec la structure du schéma narratif sans trop insister. Nous avons également discuté des personnages ainsi que leurs rôles, soit le rôle principal et secondaire.
J’ai fait cette même routine à chaque fois qu’une équipe se rendait à un autre point du schéma narratif. Je faisais une mini leçon sur chaque étape de leur histoire et je répétais ces mêmes informations à chaque début de période pour rafraîchir la mémoire des élèves puisque tous n’allaient pas au même rythme. Je leur rappelais également les trois valeurs que nous nous étions données pour éviter les conflits. Il va sans dire que certaines équipes trouvaient la communication parfois difficile, et même que parfois, par manque de communication ils devaient recommencer des parties de l’histoire.
Au fil du temps, les histoires se construisaient et se corrigeaient (les élèves et moi), les croquis s’amorçaient, les dessins au propre suivirent et ils ne restaient qu’à taper leurs histoires à l’ordinateur pour en faire un livre numérique sur le logiciel didapages. J’ai pu rentabiliser mon temps grâce aux faits que les équipes n’allaient pas toutes au même rythme. J’étais capable de mettre des élèves au clavier pendant que d’autres dessinaient, que d’autres écrivaient et que d’autres corrigeaient. La gestion de mon temps était cruciale puisque je devais toujours savoir où se situait chaque équipe et à combien de temps j’estimais le temps que je devais encore leur donner.
Apports significatifs et diversifiés
J’ai réalisé que ce projet fut très gros et qu’heureusement j’avais prévu beaucoup de temps. Le projet s’est déroulé sur une période de deux mois à 2 ou 3 périodes de projet par semaine. Cependant, je ne m’attendais pas à des résultats autant époustouflants que ceux qu’ils m’ont donnés. Beaucoup d’apprentissages et de réinvestissements de notions ont été faits, le schéma narratif, les types de personnages, les adjectifs, les notions de grammaires pour la correction (féminins/masculins/pluriels/synonymes/points/majuscules/noms propres-communs/déterminants).
Outre les apprentissages disciplinaires faits au cours du projet, je considère que les plus grandes retombées sont de l’ordre des compétences transversales. Loin de moi le but que je m’étais donné, mais en c’est en prenant du recul que j’ai pu constater à quel point les élèves avaient progressé sur le plan du développement personnel en interaction avec autrui. La majorité des compétences ont été mises de l’avant, et ce sans même l’avoir réellement prévu avant de commencer le projet. D’une part, les élèves étaient amenés à mettre en œuvre leur pensée créatrice dans un contexte où chacun devait exercer son jugement critique pour s’affirmer dans les décisions de groupe. C’est en se donnant des méthodes de travail efficaces (rôles au sein de l’équipe, tâches assignées tout au long du projet) que les élèves étaient confrontés à résoudre plusieurs problèmes au sein de leur équipe. À quelques reprises, je reprenais des situations conflictuelles devant la classe et je les interprétais en exagération dans le but de faire réagir les élèves. C’est grâce à ces petits schémas sociaux, tirés du vécu, que les élèves étaient capables de trouver la cause de leur problème (souvent liés au manque de communication dans l’équipe) et de trouver les solutions eux-mêmes.
Tout au long du projet, j’ai mis de l’avant l’entraide et l’écoute à chaque période de projet et je me suis rendu compte qu’à force de le faire, les élèves eux-mêmes étaient portés à s’informer des besoins des autres. L’appropriation de ces valeurs s’est même fait sentir en dehors des périodes de projet. J’ai vu à plusieurs reprises des élèves s’encourager lors d’exercices, se féliciter de leurs bonnes notes, s’entraider dans des tâches reliées à la classe. Je me suis aperçue que ce projet avait créé dans ma classe une cohésion de groupe qui était impressionnante pour des élèves de deuxième année. Tous les élèves étaient amis ensemble, personne n’était exclu de rien, tous avaient ce souci de l’autre. J’étais fière de voir qu’au-delà des apprentissages faits les élèves avaient grandi, ils avaient pris en quelque sorte de la maturité et qu’ils étaient capables de donner de l’importance aux autres élèves de la classe.
Initialement, mon projet touchait aux deux éléments de l’apprendre ensemble et du vivre ensemble, mais avait pour but l’apprendre ensemble. Cependant, au fil du temps je me suis rendu compte que le vivre ensemble était beaucoup plus significatif dans ce projet puisque les comportements des élèves en dehors du projet parlaient d’eux-mêmes. L’entraide, la persévérance et la créativité sont les trois mots qui pourraient décrire le mieux ce que j’ai pu vivre en classe avec mes élèves. C’était une très belle expérience pour tous.
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