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À la lumière des expériences vécues lors de mes différents stages ainsi que des apprentissages faits au cours de ma formation universitaire, j’ai acquis certaines valeurs professionnelles. J’ai pu constater que la différenciation pédagogique et l’inclusion scolaire sont des aspects importants pour moi dans ma pratique professionnelle. En effet, il est primordial d’accorder une importance aux différentes particularités, personnalités et aux besoins des élèves. Ces valeurs se manifestent dans mon enseignement et dans mes questionnements professionnels. Dans ma classe de stage actuel, j’observe une grande différence sur le plan des apprentissages et des acquis des élèves. Ils sont à des niveaux extrêmement variés, même que certains ne sont pas en mesure de suivre le parcours recommandé par le Programme de formation de l’école québécoise. Cela me préoccupe, puisque je me questionne à savoir comment je peux prendre les élèves à leur niveau actuel, quels qu’ils soient, et les amener à progresser selon ce qui est demandé par le Ministère. C’est une préoccupation qui rejoint également mon enseignante associée, puisqu’elle mentionne vivre cette problématique dans sa classe depuis quelques années. En effet, depuis la pandémie, elle constate que les élèves se situent à des niveaux énormément hétérogènes et cela est préoccupant. Depuis ce temps, elle fait de son mieux avec les élèves pour les prendre où ils sont dans leur apprentissage et les faire progresser, dans les limites du possible, sachant bien que certains n’y parviendront pas. Que faire avec ceux qui n’y parviennent pas et qui doivent néanmoins passer à l’année supérieure à la fin de l’année de scolaire ? Que faire avec ces élèves lorsqu’ils arrivent dans notre classe même s’ils n’ont pas satisfait les exigences de l’année antérieure ?

Les dimensions et les étapes du Projet d’intervention en contexte

1) L’émergence du projet

À la suite des observations faites au cours de mon stage actuel, j’ai pu problématiser cette situation. C’est en ayant des élèves qui ont cette problématique que j’en suis venue à définir l’élément de recherche de mon Projet d’intervention en contexte : comment donner des rétroactions qui tiennent compte des acquis actuels des élèves et qui les font progresser, et ce, en tenant compte du Programme de formation de l’école québécoise ?

Dans ma classe de stage de deuxième année, deux élèves qui ont fait émerger cette préoccupation. Nous les appellerons Daphné et Jason pour ce projet. Ces deux élèves ont fait deux fois leur première année. À la fin de leur reprise, ils n’avaient toujours pas les acquis nécessaires pour aller en deuxième année. Comme ils ne pouvaient pas faire leur première année une troisième fois, ils ont dû poursuivre leur parcours vers la deuxième année. Daphné et Jason ne savaient pratiquement pas lire, écrire, et ils ne connaissaient pas les nombres. Il était donc très difficile de les faire suivre le rythme du reste de la classe et de les faire progresser selon le Programme de formation de l’école québécoise pour la deuxième année. J’ai rapidement compris, au début de l’année scolaire, que ces élèves ne suivaient pas du tout lors des périodes d’enseignement, lors des routines et durant les activités en classe. Je me suis longuement questionné, puisque je ne parvenais pas à accepter de continuer à enseigner en suivant le rythme de la classe sachant que j’aurai toujours ces deux élèves qui ne suivent pas et pour qui les apprentissages ne se développent pas. J’ai alors décidé de les prendre où ils étaient, à leur niveau, et d’essayer de les faire progresser le plus possible tout en respectant leurs limites, et ce, sachant très bien qu’ils ne suivraient pas le parcours traditionnel recommandé par le Ministère.

2) L’observation de mon projet

En classe, je prenais régulièrement ces élèves à part pour les accompagner et soutenir leurs apprentissages. J’adaptais mes interventions à leur niveau. Mon objectif était de les faire progresser à leur rythme, sans qu’ils ressentent qu’ils sont en grande difficulté et même en échec. Je m’assurais que mes rétroactions soient toujours positives et encourageantes, dans une visée d’amélioration. Je ne les comparais jamais avec les autres, je les comparais à leurs propres connaissances et à leurs améliorations personnelles. Daphné et Jason étaient conscients qu’ils rencontraient des difficultés et qu’ils ne suivaient pas le rythme de la classe. Je tentais de rendre cela positif en les ramenant à une comparaison personnelle seulement. Par exemple, je disais « regarde ce que tu sais maintenant faire » ou « regarde tout le chemin parcouru ». Dans la classe, j’avais un discours qui mentionne que chaque élève suit un parcours unique et que tout le monde est rendu à un endroit différent. Tout le monde a des forces et des défis et tous n’ont pas les mêmes. C’est ce qui fait que nous formons un groupe super puisque nous pouvons tous nous entraider selon nos forces et nos défis. Les élèves adhéraient à cette idéologie et ils s’entraidaient tous dans la classe. Ma priorité était de les garder motivés et confiants en leurs capacités de réussite. Je voulais qu’ils conservent une relation positive envers l’école et également avec eux-mêmes. Les adaptations faites avec Daphné et Jason, sur le plan des apprentissages, étaient dans le but de respecter leur zone proximale de développement (Papalia E. D, Feldman D. R, 2014). En effet, il aurait été inutile et dévastateur pour eux de tenter de les faire progresser dans des apprentissages supérieurs à leur niveau. Ils devaient maitriser une certaine base pour ensuite progresser. Comme ces bases n’étaient pas stables, il fallait les travailler, même si le reste du groupe était rendu beaucoup plus loin dans son cheminement. Toutes mes interventions devaient être du type de la flexibilité et de l’adaptation, c’est-à-dire que je devais faire preuve d’une certaine souplesse dans les situations d’évaluations sans que cela vienne modifier le contenu et ce qui est évalué. Je devais faire attention de ne pas apporter des changements dans les évaluations qui toucheraient aux critères et aux exigences d’évaluation puisque cela ne peut se faire que lorsqu’un élève à des modifications autorisées dans un cheminement particulier qui le suivra tout au long de son parcours (Tremblay, P. 2012). Par exemple, au début de la mise en action des interventions mon Projet d’intervention en contexte, je donnais à Daphné et à Jason des examens en mathématique et en compréhension de lecture de niveau de première année. Je trouvais horrible de les voir essayer de faire des examens de deuxième année et ne pas réussir à répondre à une seule question. Je croyais qu’il serait plus bénéfique pour eux et leur estime personnelle de faire des examens réalisables afin qu’ils vivent des réussites. Mon enseignante associée approuvait ce choix puisqu’elle avait également fait cela pour certains élèves lors des années précédentes. Toutefois, à la suite d’une rencontre avec la conseillère en adaptation scolaire, nous avons appris que nous ne pouvions plus faire cela, car Daphné et Jason n’ont pas un parcours modifié. Il est effectivement trop tôt en deuxième année pour modifier des élèves. Nous devions absolument leur faire réaliser les examens de leur niveau scolaire, puisque par la suite, ce seront des preuves qui seront ajoutées à leur plan d’intervention. Sans preuves de grandes difficultés et d’échecs répétés aux examens, il est plus difficile de faire la demande pour adapter leur cheminement ou pour leur fournir de l’aide technologique. Je comprenais tout à fait ce processus et le protocole à suivre dans cette situation, même si une partie de mon cœur se brisait chaque fois que l’élève était désemparé devant un examen qui dépassait sa zone proximale de développement. J’ai longuement réfléchi à savoir comment je formulerais mes rétroactions, à la suite des examens, pour que Daphné et Jason restent motivés et qu’ils croient encore en leur capacité de réussite. J’ai alors décidé de ne pas inscrire les résultats sur leurs examens. Je soulignais les points forts, les essais, les bonnes stratégies et les réussites. Je prenais en note leurs résultats pour les documents scolaires, mais je ne le transmettais pas aux élèves. Je m’assurais que mon message ne soit pas basé sur la réussite ou l’échec de l’examen, mais bien sur ce qu’ils avaient compris et ce qu’ils avaient été capables de faire.

Je conservais toutes mes traces dans un journal personnel. Je notais mes observations sur Daphné et Jason, j’observais leur progression, leurs acquis, les difficultés, etc. Je conservais également les notes d’examens afin de les ajouter dans leur plan d’intervention. Je notais également les suivis faits avec les parents et ce qu’ils pratiquaient à la maison. Je notais aussi les adaptations que je faisais à leurs examens, dans le but de les transmettre à leurs futurs enseignants pour les années suivantes. De cette façon, l’enseignant saurait ce qui n’avait pas fonctionné pour l’élève, ce qui fonctionnait et ce qu’il pouvait continuer à faire avec ce dernier pour le faire progresser. Ce suivi était également important pour le plan d’intervention, d’autant plus s’il fallait prévoir une possibilité de modification de l’élève ou une aide technologique.

3) La réalisation du projet

J’avais mis en place plusieurs actions avec ces élèves pour soutenir leurs apprentissages. Voici la liste de toutes les actions mises en place, dans le cadre de mon Projet d’intervention en contexte, pour parvenir à fournir des rétroactions qui tenaient compte des acquis actuels des élèves et qui les faisaient progresser, et ce, en tenant compte du Programme de formation de l’école québécoise.

  • Lors de la dictée des nombres de 0 à 500, Daphné et Jason devaient simplement la faire pour les nombres de 0 à 100. Cette adaptation était dans le but de bâtir une base solide sur l’apprentissage des nombres. S’ils ne connaissaient pas le nombre 21, à quoi bon essayer d’apprendre 421 ? Il y a une certaine base à maitriser sur laquelle je centrais mes interventions.
  • Dans les compréhensions de lecture, je soulignais les sons et je coupais les syllabes de chaque mot. Ils devaient obligatoirement lire le texte et les questions de façon autonome, car je devais m’assurer de ne pas changer les exigences d’évaluation, mais ils me disaient à l’oral les réponses qu’ils écriraient et je les écrivais pour eux. Cela était dans le but de diminuer la complexité de la tâche. Comme ils avaient beaucoup de difficultés à écrire, et que cela n’était pas évalué dans cette tâche, j’essayais d’éviter qu’ils échouent une tâche de compréhension de lecture pour une difficulté qui ne s’apparente pas à la tâche de compréhension.
  • Lors d’apprentissages plus complexes avec le reste du groupe, c’est-à-dire les apprentissages qui suivaient le rythme traditionnel et le Programme de formation de l’école québécoise, Daphné et Jason avaient des petites activités adaptées à leur niveau du moment sur lesquelles ils devaient travailler.
  • Pour les faire évoluer en lecture, ils partaient à la maison avec des petites lectures nivelées qu’ils devaient lire plusieurs fois afin de comprendre l’histoire et de reconnaitre des mots.
  • Ils avaient un suivi régulier avec l’enseignante soutien pour travailler des stratégies comme la reconnaissance de mots.
  • Pendant les périodes de plan de travail (une par jour), le reste de la classe effectuait un travail de façon plus autonome. Cela me permettait d’avoir du temps pour travailler des apprentissages avec Daphné et Jason.
  • Je travaillais de pair avec les parents afin de continuer les apprentissages à la maison. Ainsi, les parents pouvaient également suivre le cheminement de leur enfant.
  • Lors des examens en mathématiques, Daphné et Jason avaient du matériel et des outils (jetons, matériel multibase, tableau effaçable, roulettes de nombre pour les positions, château des nombres pour compter, etc.)
  • Lors des examens, ils avaient des aide-mémoires avec des mots connus écrits et leur image afin de les aider à reconnaitre certains mots.
  • La tâche était toujours morcelée. Je leur expliquais individuellement chaque étape, une à la fois. Ils faisaient de petits pas, qu’ils répétaient souvent, au lieu de faire de grands bonds trop difficiles.
  • L’ampleur de la tâche était diminuée lorsque cela était possible. Par exemple, ils répondaient à deux ou trois questions de mêmes types au lieu de cinq questions.
  • Ils bénéficiaient de plus de temps pour réaliser les travaux et examens.
Cohorte