J’ai réalisé mon projet d’intervention en contexte (PIC) dans une classe de 17 enfants au préscolaire 5 ans à l’école de la Primerose. Ma question était : comment développer l’imagination des élèves afin d’améliorer leur capacité à inventer et raconter une histoire ?
J’ai choisi cette question puisqu’elle était en lien direct avec mes observations et qu’elle rejoignait un des enjeux du projet éducatif de l’école, c’est-à-dire la réussite des garçons en écriture : soutenir l’engagement et la persévérance des garçons dans les tâches d’écriture. Dans le but de rendre la tâche d’écriture motivante au primaire, je souhaitais développer l’imagination des enfants dès le préscolaire pour les amener à être créatifs lors de leur éventuelle situation d’écriture.
Voici donc ce que j’avais observé avant de mettre en place mon projet PIC :
J’avais observé que l’imagination des enfants était restreinte, c’est-à-dire que lorsqu’ils avaient à fabriquer une création à partir de leurs idées, plusieurs avaient besoin d’un soutien constant. J’avais également observé que les enfants avaient de la difficulté à se créer des situations imaginaires sans la présence d’un adulte qui met en scène le jeu (Lemay et al., 2019). Leurs jeux symboliques se situaient, dans les premiers scripts, ce que l’on qualifie de jeu immature puisqu’il n’y avait pas de scénario de jeu (Lemay et al., 2019). Ce sont toutes des observations qui étaient liées à l’axe de développement de la Pensée et de la composante : activer son imagination (MEQ, 2023).
J’avais également remarqué que très peu d’élèves arrivaient à raconter une histoire. J’avais fabriqué une boite « Raconte-moi une histoire » en lien avec l’histoire de Boucle d’or (préalablement lue et modelée), mais la plupart des enfants se contentaient de faire bouger les personnages sans parler et utiliser leur imagination. De plus, lors des ateliers « Coup de pouce » avec l’orthophoniste, nous avons constaté que plusieurs élèves avaient éprouvé des difficultés avec le rappel du récit malgré le modelage offert à plusieurs reprises. Ces deux aspects sont liés au domaine langagier, mais plus précisément à la composante démontrer sa compréhensionpour raconter une histoire (MEQ, 2023)
Afin de confirmer mes observations, j’ai utilisé trois histoires séquentielles et je me suis servie d’une grille pour mesurer la capacité des enfants à utiliser leur imagination pour inventer et raconter des histoires. J’ai rapidement constaté que les enfants se contentaient de décrire brièvement les images sans nommer le personnage, ses émotions ou même la situation problématique. Ils n’utilisaient donc pas leur imagination. Seulement une élève a été en mesure d’aller au-delà de l’image et d’y intégrer un contexte inféré.
Interventions menées :
Pendant trois semaines, j’ai intégré à ma routine de petites interventions. L’objectif de ces interventions quotidiennes était de stimuler l’axe de développement de la pensée du domaine cognitif pour favoriser l’imagination en plus d’amener les enfants à développer leur capacité à inférer (MEQ, 2023). En effet, « Le développement cognitif est essentiel aux habiletés liées aux premiers apprentissages en lecture et en écriture puisque les activités qui visent à le soutenir engagent les enfants notamment : […] à inférer, à mettre en pratique leur pensée logique et créatrice » (DeRoy-Ringuette et Charron, 2022, p. 270).
- Donc au quotidien, j’ai fait de la lecture interactive avec les enfants à l’aide d’inférences lexicales et causales pour les amener à comprendre l’histoire et donc développer leur capacité à aller au-delà de ce qui se trouve dans l’image.
- De plus, lors du rassemblement en grand groupe, je racontais une très courte histoire séquentielle (personnage, problème, émotion, action, fin) en utilisant les mêmes pictogrammes que l’orthophoniste pour assurer une cohésion entre les interventions. L’idée derrière cette intervention était que plus les enfants auraient de modèles d’histoire séquentielle avec les personnages, le problème, l’émotion et les solutions, plus ils arriveraient à le faire par eux-mêmes par la suite. En effet, « Plus un individu a vécu d’expériences, plus il a de matériel pour construire et pour créer. À partir des impressions accumulées, l’imagination peut réorganiser les éléments en quelque chose de nouveau ». (Archambault et Venet, 2007, p.14)
Comme interventions plus spécifiques, j’ai créé des schémas à partir d’images pour favoriser les idées et activer l’imagination.
- En grand groupe, j’ai montré une image aux enfants et j’ai fait un schéma en utilisant les pictogrammes de l’orthophoniste (personnage, problème, émotion, action, fin) pour qu’ils me racontent l’histoire de l’image. En plus des éléments des pictogrammes, je leur demandais des informations qu’ils devaient inventer puisqu’elles ne se trouvaient pas sur l’image par exemple : « à quel endroit se trouve le personnage ? » , « avec qui se trouvait le personnage ? », « pourquoi les personnages étaient-ils à cet endroit ? », « quel était leur problème ? » , etc. J’ai illustré le tout sur un schéma pour que les enfants voient qu’il y avait plusieurs réponses possibles. Ensuite, nous avons inventé une histoire à partir des éléments nommés par les enfants. Donc en utilisant le schéma pour analyser des images en grand groupe, j’ai fourni un outil visuel aux enfants pour emmagasiner des idées. Selon Vygotsky, pour aider l’enfant dans son développement cognitif, il faut lui apprendre à utiliser des outils de la pensée comme les médiateurs, par exemple des schémas (Duval et Bouchard, 2019).
- La semaine suivante, j’ai répété cet exercice en plaçant les enfants en équipe de 2-3. Les équipes avaient chacune une très grande feuille et j’avais affiché mon schéma pour les inspirer. À partir d’une nouvelle image, les enfants devaient me raconter l’histoire du personnage. Ils devaient me dessiner ce qu’il se passait. J’ai procédé par étape et , après chaque étape, les enfants devaient me dire ce qu’ils avaient inventé (leur personnage, le lieux, son problème, son émotion, l’action pour résoudre son problème, etc.).
Comme autre intervention, j’ai amené les enfants à produire des créations à partir de leur idée pour développer leur créativité. Les enfants ont construit des marionnettes à partir de leur imagination avec du matériel qu’ils ont choisi eux-mêmes. Ils ont également inventé une histoire autour de leur marionnette pour la présenter comme un théâtre.
Enfin, j’ai enrichi les jeux libres pour favoriser l’imagination. Pour ce faire, j’ai fourni dans le coin symbolique des éléments de théâtre de marionnettes (rideau, marionnettes) ainsi que des mots étiquettes (avec images) qui représentent des lieux, des émotions, et des problèmes que pourrait vivre le personnage dans le but de les aider à créer des scénarios de jeu et stimuler leur imagination. Dans son article, Desfossés (2021) soulève que d’enrichir les jeux libres active l’imagination au préscolaire particulièrement dans les jeux symboliques. En effet, le jeu initié et dirigé par l’enfant est particulièrement bénéfique pour le développement de la créativité (Duval et Bouchard, 2019).
Résultats et traces disponibles :
Après les trois semaines, j’ai réévalué les enfants sur leur capacité à utiliser leur imagination pour inventer et raconter des histoires. J’ai utilisé les mêmes trois histoires et la même grille d’observation que celle utilisée avant la mise en place de mon PIC pour pouvoir comparer. La comparaison entre les résultats avant et après la mise en place du PIC ont été très différents. En effet, avant le PIC, le pourcentage des enfants qui racontaient l’histoire avec des éléments inventés au-delà de l’image se situait à 7 %, alors qu’après le PIC, il se situait à 42%. Il s’agit donc d’une grande amélioration.
En plus de ces grilles d’observations, j’ai des traces du schéma à partir d’une image (pour raconter une histoire) construit avec les enfants ainsi que ceux faits par les enfants en équipe. J’ai des photos de la création de marionnettes à partir de leur idée ainsi que leur histoire dessinée. Je n’ai cependant pas de traces de leurs jeux symboliques.
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Quelques traces du PIC_Marie Eve Fournier.pdf | 11.09 Mo |